Le titre c’est vraiment pour rester dans le thème mais je ne suis pas égarée dans la vallée infernale et surtout, je ne m’appelle pas Bob Morane. En guise d’amie, pas de Bill Balantine mais Jodie, chienne de type « jack russel amélioré » (un bâtard quoi !).

Cette nuit j’ai encore mal dormi.
Comme tous les soirs, mon cerveau s’est mis en marche à 200% dès que j’ai éteint la lumière. Je dis souvent que je suis « montée à l’envers ». Quand ma tête touche l’oreiller, on dirait que ça actionne le bouton ON au lieu du bouton OFF.

J’ai pensé à tout ce que je voulais vous expliquer. Les idées ont fusé de toute part, beaucoup plus facilement que maintenant. Si quelqu’un pouvait inventer un appareil ou un logiciel capable d’enregistrer ce qui se passe dans mon esprit à ce moment-là, je gagnerais un temps précieux… Après avoir fait du tri, je vous l’accorde !

A 50 ans, je viens de découvrir que tout le décalage que je peux ressentir au quotidien, les émotions et les sensations démultipliées, les obsessions irrationnelles, ce qui me gâche parfois la vie ou me la rend plus belle, porte un nom : l’hypersensibilité.
C’est ce que décrit avec précision Fabrice Midal dans son livre « Suis-je hypersensible?« .
On m’a tellement dit que j’étais trop sensible, trop susceptible, que je pleurais trop (je suis la fille cachée d’une madeleine et d’une fontaine), que j’attachais trop d’importance aux choses. J’ai essayé de m’endurcir, de me construire une carapace et j’y suis un peu parvenue. Mais c’est épuisant de se battre contre ce que l’on est.

En résumé, je suis TROP.

J’ai souvent trop chaud ou trop froid (je dis fréquemment que « j’ai le thermostat cassé »). Je trouve qu’il y a trop de bruit, trop de monde, par exemple dans les restaurants. Je n’arrive pas à me concentrer sur une conversation : je bloque sur la musique de fond (que la plupart du temps, les autres n’entendent pas). Je ressens trop aussi, notamment la souffrance. C’est ce qui fait que je n’arrive pas à me rendre dans un hôpital sans me sentir mal, même pour une simple visite à quelqu’un, même si ce n’est pas grave. J’ai envie de partir en courant ou pire, je tombe dans les pommes.

Des exemples comme ceux-là, j’en ai des dizaines. J’ai même pensé que je souffrais d’une sorte d’autisme (sans aucune connotation péjorative) tellement je me suis souvent sentie « à part ».

Mais plus le temps passe, plus je me documente sur le sujet, plus je décortique les mécanismes, plus je me dis que ce n’est pas une maladie, pas un défaut mais une chance ! Bien que ce soit encore bien compliqué à gérer.

Entre nous, quelqu’un de « normal » vous raconterait-il tout ça ?
Quelqu’un de normal vous dirait au mieux que « sa semaine à la montagne se passe bien même s’il ne fait pas très beau, que c’est chouette d’être en vacances » et surtout ne verrait pas l’aventure à chaque coin de sa rue !

Alors que moi les amis, je me suis transformée en Cendrillon pour faire le ménage dimanche soir (pas pour rencontrer le prince charmant bizarrement) ; j’ai fait connaissance avec un homme des bois, qui ne m’a jamais apporté d’ampoule mais qui m’a reconnectée à la vie (ok, juste au wifi) ; j’ai marché des kilomètres et des heures dans la neige pour gravir le Mont-Blanc. Un peu moins d’après mon iPhone : l’équivalent de 8 étages mardi, 10 mercredi, 21 hier et 3 aujourd’hui ! Entre 2 et 6 kilomètres seulement…
J’ai croisé (sans doute) plein d’animaux sauvages dont la mystérieuse panthère des neiges décrite par Sylvain Tesson. Et moi au moins, j’ai des photos et vidéos de la bête ! (Je vous en montre une en exclusivité parce que je suis bien gentille).

Oui, moi quand je marche au milieu des sapins, je suis encore Sylvain Tesson perdu « dans les forets de Sibérie ».

Au bout d’une heure et demi avec des raquettes, j’ai l’impression d’être en 1912, membre de l’expédition britannique menée par Scott ou si j’ai plus de chance, de celle des norvégiens conduits par Amundsen. Ma chère Sonia m’avait raconté cette histoire en anglais dans le texte. Tous sont partis dans l’espoir de rallier le pôle Sud pour la première fois. Mais les anglais sont morts d’épuisement et de faim dans le froid, après avoir constaté que les autres avaient réussi quatre semaines avant eux. (Si ça c’est pas la lose internationale !)

Quand je n’ai pas chaussé les raquettes, que je m’enfonce jusqu’à mi-cuisse dans la poudreuse et que je finis quasi en rampant pour rejoindre le chemin damé, j’ai l’impression d’être Philippe Croizon… Pardon, humour noir (dont Philippe Croizon est friand, qu’il me pardonne !)

Quand je reste bloquée en voiture à cause de la neige, j’ai la sensation de vivre un truc de fou même si je suis à 150 mètres de mon logement !

Voilà, c’est moins clair que ça ne l’était dans mon esprit la nuit dernière et sûrement moins clair que ça ne le sera la nuit prochaine mais j’espère que vous avez compris l’idée.

Je vous laisse. Hier, j’étais « en thérapie » sur ARTE, ce soir je vais assister au concert de MIKA à l’Opéra Royal de Versailles.
Vous allez voir que je suis foutue de pleurer…

Je vais bien (mais ça peut ne pas durer parce que la vie des hypersensibles tient plus des montagnes russes que du long fleuve tranquille). Et j’espère de tout cœur que vous aussi !