Cher Monsieur Reconfinement,

Je me permets de vous écrire en ce lundi pour vous dire que je suis très sceptique face à vos actions.
Bien sûr nous n’en sommes qu’au quatrième jour et je vous juge peut-être un peu hâtivement. Mais je préfère vous exposer tout de suite mes remarques afin que vous puissiez en tenir compte et « redresser la barre » comme on dit un peu familièrement.

Vendredi, jour du coup d’envoi de votre instauration, je n’ai pas vu de changements significatifs, excepté la fermeture des restaurants. J’ai trouvé que ça circulait encore beaucoup dans ma ville. Et le soir, alors que je m’apprêtais à m’entretenir téléphoniquement avec mon avocat, ce dernier m’a dit qu’il pouvait finalement me recevoir. J’ai donc dû abandonner mon vieux jogging pour remettre un pantalon correct et courir à son bureau ! Imaginez ma déception !

Ce week-end, profitant du flou législatif autour des retours de vacances (Cf Jour 2 et 3), je me suis rendue tranquillement chez des amis sans être pour le moins inquiétée par la maréchaussée.

Forcément, j’attendais énormément de ce début de semaine pensant enfin profiter de vous ! D’ailleurs, la matinée a relativement bien commencé avec l’annulation de mon cours de Pilate, m’évitant un réveil tôtif pour aller me ridiculiser par ma raideur qui n’a d’égale que celle de Poutine face à la Gay Pride. Mes collègues de 80 ans n’ont pas pu se moquer de ma difficulté à exécuter des « shoulder bridge » et autres « one leg circle ». Je vous en remercie. Mais c’est bien le seul point positif !

Alors que je m’apprêtais à écouter distraitement les journalistes se disputer sur l’utilité du masque chez l’enfant à partir de six ans, du bien-fondé de la minute de silence et de la lecture de la lettre de Jean Jaurès en hommage à Samuel Paty, j’ai dû finalement (encore) abandonner mon vieux jogging pour me laver et m’habiller ! Apparemment, vous avez oublié de cocher la case EMMERDEMENTS dans votre liste des commerces non essentiels à fermer de toute urgence.
Comprenez-moi, je veux bien renoncer au steack hâché frites maison sauce au poivre du Coin du Boeuf pendant un mois, à l’aïoli du Glacier ou encore au Tiramisu de la Scarpetta mais ayez l’obligeance de me foutre la paix avec cette histoire de serrure de portail de garage qui ne fonctionne plus !
D’autant que si vous faisiez votre travail correctement, les gens n’auraient plus à rentrer et sortir de ce garage !
Et l’artisan auquel je téléphone pour réparer cette serrure qui me répond « J’arrive », on en parle ? Le gars est venu ! Il m’a proposé de changer la serrure ! J’ai entrevu une échappatoire avec la fermeture des cordonniers et l’impossibilité de faire refaire les clefs… Mais là encore, la déception ! Au premier coup de fil, j’ai trouvé un établissement ouvert qui me dit qu’il n’aura aucune difficulté à accéder à ma requête !

Et le pire de la journée, cher Monsieur Reconfinement, c’est cette expertise honteusement maintenue chez un locataire victime d’un dégât des eaux ! Et vas-y qu’on se retrouve sur site avec trois experts, mon assureur, quelqu’un de l’agence qui gère le local incriminé, le gérant, deux fonctionnaires du service des eaux de la mairie… Oui, même des FONCTIONNAIRES ! Non mais là, comme diraient mes nièces « c’est abusé » !

En rentrant chez moi, pensant enfin m’affaler sur le canapé, je tombe sur l’électricien qui poursuit tranquillement l’installation des prises dans le garage de l’immeuble ! On croit rêver. Foutu pour foutu, il est même monté regarder un petit problème d’éclairage dans ma cuisine.

Rendez-vous compte, j’ai à peine eu le temps de discuter avec mes nouveaux voisins qui ont emménagé COMME PRÉVU aujourd’hui ! Et en plus des déménageurs, un installateur de chez FREE est venu mettre le bordel dans le couloir installer la fibre (C’est à cause du Covid qu’il a laissé tous les placards ouverts et qu’il n’a pas balayé ses cochonneries ?)

Avec tout le respect que je vous dois, c’est pas du boulot ça Monsieur !

Quid de ma sieste ? De ma volonté de faire des pancakes ou un fondant au chocolat (j’ai à peine eu le temps de me faire des pâtes à midi) ? Quid de la lecture de Crois en tes rêves de mon ami Antonin ? De l’écriture d’une pièce à jouer avec le même Antonin ? De l’écoute du nouvel album de Patrick Fiori Vianney ? Du nettoyage de ma terrasse ? Du tri de mes affaires d’été pour sortir les affaires d’hiver ? Quid des promenades avec Jodie, seules dans les rues ? C’est rempli de jeunes qui mangent dans le jardin de Cybèle à côté de chez moi ! Ma chienne ne savait plus où donner de la tête avec tous les restes de Mac Do au sol !

Un monde dans ce jardin publique !

Pour parfaire le tout, j’ai reçu des messages révoltants de mon ostéopathe qui m’annonce, sans vergogne, qu’il reçoit toujours ses patients ! Je ne suis même pas étonnée, mon kiné maintient nos rendez-vous. La prof de théâtre, dont vous avez quand même heureusement (c’est un minimum !) supprimé les cours, nous propose de continuer en visio et nous donne même des devoirs pour mercredi !

Pardon mais cher Monsieur, je crois que vous n’avez pas bien compris ce qu’on attend de vous.

Comparaison n’est pas raison mais quand même, votre prédécesseur, Monsieur Confinement, avait une autre allure !
Et même si vous avez repris certaines de ses (bonnes) idées comme l’attestation par exemple, pour le moment, vous ne lui arrivez pas à la cheville !
Encore heureux que vous nous imposez le masque tout le temps (même quand on se promène tout seul) et que le doute plane sur votre durée parce que sinon ce serait presque vivable.

Sur ce, j’espère que vous saurez tenir compte de mes remarques pertinentes pour nous pourrir la vie correctement au moins jusqu’à Noël. Dans le cas contraire, je me verrai contrainte de me tourner vers Donald Trump pour assurer cette mission, délocalisant une fois de plus une production française.

Bien entendu, cher Monsieur Reconfinement, Je me tiens à votre disposition pour plus de renseignement et je vous prie d’agréer, bla bla bla…